Ecrit Par Alain,
Nous voilà arrivé au hameau des Glovettes au-dessus de Villard de Lans pour laisser la voiture sur un petit parking circulaire. L’air est frais, nous nous habillons, chaussons nos souliers de montagne et répartissons le matériel dans nos sacs. Il est 8h00 mais le soleil bien que levé depuis 7h35 n’est pas encore là, caché par les contreforts est du Vercors. Les arêtes du Gerbier nous apparaissent sur notre droite. Le ciel est voilé de brumes matinales.
Après avoir ajusté nos bâtons, nous entamons notre marche d’approche dans la forêt. Une demi-heure plus tard nous passons le Collet des Clots et entamons une légère descente qui nous conduit jusqu’à la Bergerie de la Fauge. Les clarines des vaches se font entendre dans cette clairière où elles pâturent. Nous obliquons un peu vers le sud et déjà les Arêtes nous apparaissent, la brume s’est dissipée et le ciel azure est pommelé de nuages qui semblent fuirent vers le sud au-dessus du Pas de l’Oeille. Nous retrouvons la forêt, par un sentier qui est plus raide, montant plein est sous la Double Brèche, celle qui doit nous permettre d’atteindre les arêtes. Les hêtres ont déjà pris leurs couleurs d’automne, du rouge et du jaune parsèment le vert des épicéas et des sapins. Nous arrivons au pied de la Brèche un peu avant 10h pour nous équiper et nous encorder. Du monde est en approche plus en bas, nous devons nous engager au plus tôt.
Après avoir mangé quelques vivres de courses, bu un peu, Olivier entame l’ascension dans la faille avec Claudine. Nous attendons, Régis, Svend et moi, qu’ils parviennent à déboucher plus haut car les cailloux dégringolent dans cette gouttière. Pendant cette attente, un guide et son groupe nous rejoignent. L’impatience et le souci d’un impératif de retour à Grenoble en soirée pour prendre un train, pousse le guide à nous demander de passer devant nous. Mais Svend tient bon et refuse fermement, notre groupe s’est engagé et nous ne céderons pas. Régis prends la tête de la cordée et nous ouvre la voie, Svend en second m’assure avec bienveillance. La faille est très humide de la pluie de la veille et le rocher très glissant, sans compter les cailloux qui dévalent et passent à hauteur d’homme alors que nous nous plaquons sur le rocher afin de les éviter. Une veille corde facilite le passage d’un ressaut mais malgré cela, le passage est ardu et s‘effectue en plaçant les jambes en opposition sur les parois comme dans une cheminée. Enfin, vers 11h nous nous extirpons de cette brèche pour atteindre une vire herbeuse mais encore très grasse et glissante. Svend demande à Régis de ralentir son pas, il ne faut pas prendre de risque et avancer d’un pied sûr.
Soudain, au-dessus, nous apercevons un chamois couché, il prend les premiers rayons de soleil sur la crête. Il nous regarde pendant que nous poursuivons notre ascension. Il ne bouge pas bien que nous nous rapprochions de lui. Il est un bonheur de voir que nous ne sommes pas des prédateurs pour lui, et il disparaîtra tranquillement lorsque nous ne serons qu’à une centaine de mètres de lui.
Enfin nous débouchons à un petit col, de ce point de vue, les arêtes du Gerbier nous apparaissent de tout leur long, plein sud. Où que nous portions notre regard, une mer de nuage se déroule sous nos yeux, elle enserre la crête sur laquelle nous sommes et des montagnes en surgissent comme le Mont Aiguille. Plus loin à l’est, les Ecrins et en remontant vers le nord le glacier de Deux Alpes surmonté de la Meije. Le Mont Blanc est là lui aussi, majestueux.
Mais fini de regarder l’horizon, il faut être attentif où l’on doit poser ses pieds et assurer ses prises de mains sur cette lame de roche arrivé au passage du Rasoir. Plus loin c’est le peigne que nous passons. Que de noms qui suggèrent l’étroitesse et le cisaillement de cette arête. Un peu avant treize heures nous profitons d’une plage herbeuse pour manger au soleil, avec une superbe vue sur le massif du Dévoluy qui s’étire entre La Tête de l’Obiou au nord et le Pic de Bure au sud. Une demi-heure plus tard nous reprendrons notre progression sur cette crête, peu souvent debout, parfois même à califourchon pour avancer. A 15h40 nous arrivons à l’extrémité sud des arêtes pour entamer une descente en rappel, toujours aussi grisante.
Voilà, nous avons rejoint le sentier du retour, sur lequel nous croiserons encore des chamois, dévalerons à grandes enjamber les pierriers, l’esprit joyeux de cette merveilleuse journée, où le temps était parfait, sans vent aucun, sous un merveilleux soleil d’automne.