Une sortie mémorable…

 

Samedi, 5h du matin, notre encadrant informe 2 des participants (des encadrants en formation) qu’il n’est pas en mesure d’assurer la sortie et qu’il leur confie le soin de la prendre en mains, à deux, ou de l’annuler. J’apprends ça à 6h, en arrivant sur le parking.

Nous sommes 5. Nous nous connaissons tous. Le 6ème, que nous ne connaissons pas, n’est pas là. Nous cherchons ses coordonnées sur l’extranet du club ; introuvables. 6h15, nous décidons de partir.

De nombreuses autoroutes sont bloquées par les agriculteurs. Nous mettons 1h30 de plus pour attendre Pralognan. Nous chaussons les skis vers 10h15. Le temps est au beau fixe, et le moral aussi. La neige est dure.

Rapide briefing avant de vérifier les DVA : l’objectif minimum est le col de la Vanoise (1000m de D+). Selon comment et quand nous arriverons, nous ferons une boucle pour aller embrasser les pieds du glacier de la Grande Casse (+200 de D+) et profiter d’un peu de glisse avant de rejoindre le refuge du soir, au col.

Les conditions météo sont exceptionnelles. On monte tout droit le long des pistes. Mes cuisses chauffent et j’oublie parfois de respirer. Lors d’une courte pause, Michael laisse tomber son portefeuille. Ça glisse bien un portefeuille sur une piste damée gelée. Le petit point noir s’arrête 300m plus bas. Michael descend le chercher. Puis nous repartons.

La neige est dure, malgré le soleil qui nous brûle. On sort les couteaux. On les rentre. On les ressort. On ne sait pas trop. Louis chausse les crampons et met les skis sur le dos.

 

Moi je souffre, en silence. Il y a quelques classes d’écart entre mes camarades et moi. Je réalise que ma préparation physique n’est pas au niveau de l’événement. Le sac à dos est lourd. Je ralentis le groupe. Nous avons pris piolet et crampons, baudrier et kit glacier, au cas où. Voilà un moment que je n’avais pas fait de vraie sortie. Je paie le prix de mon inconscience. Mes camarades aussi, malheureusement. J’ai clairement honte.

La montée s’étire. Nous repoussons le moment de la pause repas, un peu trop. Ludo a ralenti. Il finit par s’arrêter net. Panne sèche. Il doit manger.

Nous repartons. Malgré le soleil, la neige ne décaille pas. Ces conditions, couplées au boulet que mes camarades traînent, les incitent à se contenter de l’objectif minimum, atteindre le refuge.

Nous arrivons en milieu d’après-midi. Anne-Marie, Michael et Louis sont fringants. Louis apprend tous les topos pour revenir cet été. Ludo couve sa fièvre, sous la couette, et s’endort pour une bonne sieste. Moi je ne sais plus trop où j’en suis, mais je suis bien là, à 2517 m, dans ce refuge FFCAM du Col de la Vanoise, entièrement rénové en 2014. J’essaie de dormir mais le problème n’est pas là. Je suis sans force, et sans sommeil.

Le soir nous sommes une quarantaine, alors que le refuge propose jusqu’à 129 couchages. Avant de manger, nous débriefons rapidement de la journée et décidons du programme du lendemain. Ludo se contentera de descendre. Pour ma part, il est temps d’être raisonnable, et honnête : je me contenterai de descendre, aussi. Anne-Marie, Michael et Louis iront faire un tour le matin, espérant que la neige mollira.

Le repas est excellent. Nous avons droit à une soupe copieuse avec une excellente tomme locale, puis du poulet à la provençale avec du riz, et un chou à la crème. Le repas végétarien de Louis nous fait tous envie. Ses falafels sont exceptionnels, tout comme la sauce qui les accompagne. A notre table, un papa et son fils, qui viennent d’Alsace, et un trio de copines qui viennent de Lyon, Aix les bains et Paris.

Nous partageons un dortoir avec des adolescents de 50 ans bien tassés. Nous avons droit à tous les sketchs. “Est-ce que tu baises ta secrétaire ?” Les bronzés font du ski de rando… Simples, basiques. Puis c’est la chasse au ronfleur. Nouveau sketch. Il y en a un qui se promène dans tout le dortoir pour savoir qui ronfle. Après trois ou quatre passages il finit par trouver. C’est de notre côté. Je ne donnerai pas de nom. Ce que je peux dire, c’est que je ne dormais pas. J’ai passé une partie de la nuit à boire pour évacuer mon mal de tête. Un classique en altitude. Quand tout le monde dort enfin, la nuit est transparente ; les étoiles sont à portée de rêve.

Au petit matin, les sketchs recommencent. Ça se balance des vannes à travers le dortoir, sans scrupule pour les compagnons de chambrée. Puis tout le monde s’affaire. Petit déjeuner. On parle de la journée. Ça part un peu dans tous les sens ce matin. Il y a des groupes pour chaque destination. Nous confirmons nos choix : Anne-Marie, Michael et Louis partent en direction de la Grande Casse. Ils iront finalement au pied de son glacier, où ils n’étaient pas allés la veille.

1h30 plus tard ils sont de retour, sortis pour sortir. Il est à peine 11h. La neige n’a pas décaillé. Nous repartons tous ensemble pour où nous sommes arrivés, après avoir observé et imaginé toutes les sorties que nous aurions pu faire si. Si…

Nous dérapons sur du carrelage. Parfois, la croûte craque. On ose aucun virage. Pas question d’y laisser un genou. Nous dérivons ainsi, exposés nord nord est, sur le tracé inversé de la veille, jusqu’au haut des pistes de la station de Pralognan. 

Pause déjeuner. Cette fois-ci, nous ne sommes pas en retard. La descente s’achève sur les pistes. Quel plaisir de faire des virages ! Nous savourons. 13h15, nous sommes au minibus.

Retour guidé par les algorithmes de la Silicone Valley. Ils en savent plus que nous sur les barrages routiers de nos agriculteurs. Pas sûr par contre qu’ils comprennent grand chose à leurs revendications. Sur des routes où il est difficile de se croiser, nous doublons un vélo couché, puis un cavalier, sur sa monture.

Ludo dort, comme il peut, à l’arrière. Il cuve sa fièvre, ou son virus. 16h30, nous sommes au parking de Vienne. Les comptes sont faits, et les virements aussi. Le weekend s’achève, et nous ne l’oublierons pas. Pourtant, Daniel, tu n’as rien raté.


 

Date de début : samedi 27 janvier 2024

Nombre de jours : 2

Lieu : Col de la vanoise / Vanoise

Nombre de participants : 5

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