1er jour : parking du Pont des Brebis (1662m) – Refuge de l’Aigle (3450m)
Dénivelée : positive = 1790m
Météo : beau temps
2ème jour : Refuge de l’Aigle (3450m) – arête Nord-est (environ 3650m) + retour
Dénivelée : positive = 200m + retour
Météo : venteux, nuageux, éclaircies
Carte : 3436ET Meije Pelvoux
Certains sommets sont mythiques, certains itinéraires également… Mais aussi certains refuges, chargés d’histoire et de caractère : tel est le cas du refuge de l’Aigle. Construit en 1910 sur un piton rocheux surplombant les glaciers de l’Homme et du Tabuchet, là où auparavant les alpinistes installaient leur bivouac, le refuge de l’Aigle a su garder son authenticité tout au long des générations.
Déconstruit en 2013 pour être rebâti l’année suivante selon les normes en vigueur, le refuge conserve une pièce unique, où les dortoirs sont suspendus au-dessus du réfectoire. On se croirait presque dans un bateau pirate, avec l’envie d’aborder non pas les navires ennemis, mais les sommets environnants. Une partie de l’ancienne structure a même été conservée pour construire l’ossature actuelle du refuge.
L’itinéraire pour atteindre le refuge de l’Aigle est déjà par lui-même une belle course d’alpinisme variée, où l’on trouve les différents terrains rencontrés en montagne.
Débutant du pont des Brebis, nous remontons un agréable sentier en lacet, d’abord sous quelques arbres éparpillés, puis dans des alpages offrant une belle vue sur les montagnes et le col du Lautaret.
Le parcours devient ensuite plus minéral, avec quelques passages escarpés où il faut poser les mains, et des pierriers moins évidents. Avant d’atteindre la crête proche du col du Bec, un petit passage d’escalade sans difficulté est nécessaire. Le panorama sur le glacier du Tabuchet s’offre alors à nous. A cet endroit, la pente du glacier est assez raide et de belles crevasses sont présentes.
Pour prendre pied sur le glacier, il faut donc remonter sur le fil de l’arête afin de rejoindre la vire Amieux. L’itinéraire n’est pas difficile techniquement et reste assez large, mais la vue est toutefois assez aérienne. Nous serions là dans une progression typique d’assurage en mouvement mais pour le coup, nous n’avons pas utilisé la corde à la montée. La vire Amieux permet ensuite d’accéder au glacier en traversant flanc ouest. C’est là que nous nous équipons : baudrier, crampons, corde, nous sommes prêts à crapahuter en deux cordées de trois sur la rive droite du glacier.
Passer la transition rocher/glacier où il faut rester vigilant pour éviter la chute, la suite est une paisible marche glacière jusqu’au piton rocheux et exigu, où trône fièrement le refuge de l’Aigle à 3450m. Environ 7h d’ascension donc, où s’est entremêlé sentier dans les alpages, trace dans les pierriers, progression le long d’une arête et marche glacière. Une course complète comme je vous le disais pour atteindre ce refuge haut perché. 1800 m de dénivelée au total, mais la variété du parcours évite toute monotonie !!
Nous voilà donc dans les cales de ce « bateau pirate », où j’aurai le plaisir de dormir dans un filet suspendu au dessus des tables à manger. Il ne manquerait plus que la bouteille de rhum et le roulis des vagues. Le soir tombe, les couleurs de fin de journée jouent avec les glaciers tourmentés environnants. Nous observons l’itinéraire et le sommet prévus le lendemain. La Meije orientale ne présente pas de grosses difficultés, mais le manque de neige, récurrent ces dernières années, a déjà bien ouvert la rimaye. Et l’accès à l’arête neigeuse semble raide et en glace. Nous verrons bien…
Le lendemain, le départ est quelque peu retardé (environ 6h30 du matin tout de même), car le temps est incertain : le vent a soufflé fort toute la nuit et les nuages sont indécis. Nous nous équipons au pied du refuge et les teintes de l’aurore sont alors magnifiques : un mélange d’orange, de jaune, de violet. Les glaciers changent de couleur au fur et à mesure du lever du soleil.
Nous entamons la montée, toujours en cordée de trois, vers la Meije orientale. Quelques belles crevasses et des blocs de glace aussi grands qu’un petit immeuble nous entourent, mais pas de difficulté particulière. Le rythme est régulier. Arrivés sous l’arête, la rimaye est bien ouverte mais un court et étroit pont de neige permet tout de même le passage. Je décide de monter en tête avec les deux cordes attachées au baudrier et laisse le groupe légèrement en contrebas de la rimaye. La pente est effectivement raide sur une vingtaine de mètres, recouverte de neige dure ou de glace. Les deux piolets ne sont pas de trop, mais tout le monde n’y aura pas droit car nous n’avons pas assez de piolet. Une broche à glace posée, puis une deuxième, me permettent de grimper en sécurité. Mais évitons la chute tout de même, la gueule béante de la rimaye attend avec appétit juste en dessous !! Arrivé en haut des difficultés, je mets en place un relais sur broches à glace et le reste du groupe peut venir me rejoindre. L’aisance n’est pas la même pour chacun, mais nous voilà tous réunis sur l’arête neigeuse. La seule difficulté du parcours est passée.
Toutefois, le temps reste menaçant et certains préfèreraient arrêter ici l’ascension. La décision est donc prise de redescendre. Nous avons le plaisir d’effectuer la descente de ce passage raide à peine grimpé, assurés sur une cordelette passée dans une lunule. Merci à l’heureux prédécesseur qui a installé ce point d’assurage. Retour ensuite jusqu’au refuge pour une petite pause, avant d’entamer la longue descente dans la vallée. Nous prenons en sens inverse tout l’itinéraire monté la veille. Glacier, arête rocheuse, pierriers, sentier, …
Et nous voilà arrivés au parking. La descente fût longue pour certains, agréable pour d’autres, rapides pour quelques uns. La variété du parcours n’efface pas les 1800m de dénivelée à descendre depuis le refuge !! Le temps finalement sera resté clément, et nous terminons ce beau weekend autour d’un verre au village de la Grave. Comme souvent me direz-vous, quand on ne finit pas à une heure trop tardive où tous les bars sont fermés !!
Olivier.
En supplément une petite composition d'Elisabeth Serve :
(sur l'air de la comptine "Vent frais, vent du matin")